Les couleurs « cru » de la passion, avez-vous la vinicolor ?
Les inouites ont 15 mots pour qualifier la couleur de la neige, l’amateur de vin en a mille pour parler du rouge.
Moi j’adore siroter les paroles d’un pro qui parle cru. Généralement, il a un flair hors du commun pour dégotter une bonne bouteille de derrière les fagots. Ce n’est pas tout. Ses compétences olfactives, travaillées en cave et en dégustations depuis des années sont dantesques. Je suis impressionnée. Comment peut-on dire sans se la péter un peu : « Ça sent le sous-bois derrière le fruit rouge. » ou « On repère bien la note de bourgeon de cassis en fond.». Déjà, comment peut-il vous venir l’idée de renifler un bourgeon?
Je m’y essaie, attendant un je-ne-sais-quoi, une forme de révélation, de divin. Les yeux fermés, j’hume cette petite chose odoriférante et cassissienne : beurk, ça sent le pipi de chat. C’est même à çela qu’on le reconnait (le bourgeon de cassis).
Ceux qui ont du nez ont des facilités pour nommer les saveurs et les repérer : « Dominante animale d’ambre gris et de civette ou peut-être de sueur de cheval. » Des phrases comme ça, ça ne se trouve pas sous le sabot d’un animal, cela se travaille comme de la musique. Je vous laisse chercher dans le dictionnaire le mot civette qui n’est pas qu’un bar tabac. (Vos avis sur les arômes des 3 sujets sont les bienvenus dans les commentaires).
Autant je suis fascinée par l’expertise de l’oenologue en arômes (de première et seconde zones), autant leur interprétation des couleurs laisse à désirer. Et en tant que directrice artistique, je sais de quoi je parle.
J’ignore qui a donné les noms aux familles de raisins. Certainement un achromate* (moi aussi je peux me la péter). Leur raisin « noir » n’est pas noir mais bleu-violet foncé (un bon Pantone 276C). Quant au raisin blanc, il est carrément vert-jaune (395C). Le vin de cette treille soi-disant blanche n’est pas blanc-blanc non plus, il oscille entre jaune-vert très pâle à jaune-orangé.
Le vin « rouge » n’a jamais été rouge. C’est une espèce de bordeaux-brun foncé qui une fois le verre rempli peut sembler noir. Qui ne l’a jamais été à s’attarder sur la question? Pour apercevoir un rouge foncé il faut pencher le verrre et regarder le disque, qui à la lumière et sur fond blanc, peut osciller entre «l’aubergine» genre 506C et le rouge-marron type 484C.
Je vous passe les pinot gris, grenache gris ou autres cépages gris. Dieu m’en soit témoin, ils ne sont pas plus gris qu’ils sont noirs ou rouges. Les portugais quant à eux ont inventé le vin vert (vinho verde) qui dans la vraie vie est blanc, rouge ou rosé.
Mais le monde du vin retrouve alors le sens des couleurs car un rosé est bien rosé ! Ainsi il en va de même du vin jaune et de quelques cépages passés au révélateur de couleur. Les raisins comme le Grüner Veltliner, sont effectivement verts et les Blaufrankisch, sont effectivement bleus, mais peut-être est-ce le résultat du rationalisme descriptif germanique!
*L’équivalent du daltonien pour toutes les couleurs.
Vintage | Vin, style & dégustation | by Alice Weinderland | Vintage-by-alice.com
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