A votre santé? (juste deux doigts de pesticides*, svp)

Vintage | Vin, style & dégustation | by Alice Weinderland | Pesticides, J. Douzelet & G.E. Séralini.

« Le goût des pesticides dans le vin ».

Jérôme Douzelet et Gilles-Eric Séralini

Editions Actes Sud. 144 pages.

Les pesticides dans le vin, un sujet qui fâche. On pouvait croire le monde du vin moins exposé que celui des maraîchers. Ce n’est hélas pas le cas. La France est bien sur le podium des plus gros consommateurs de pesticides au monde derrière les Etats-Unis et le Japon. Nous détenons, selon certaines mesures, le record de plus gros consommateur d’Europe de ces produits. 20% des pesticides seraient destinés à la vigne, qui occupe 3% de la surface agricole nationale. Alors quand deux professionnels reconnus, un en biologie et l’autre en gastronomie se penchent sérieusement sur ce sujet toxique, ça nous intéresse.

Appelons un chat, un chat !

Les auteurs Jérôme Douzelet, chef de cuisine bio et le Professeur Gilles-Eric Séralini, biologiste-chercheur et professeur en biologie moléculaire** ont eu le bon goût d’organiser pour nous plusieurs «dégustation-test de pesticides» avec des professionnels du vin, de la cuisine et des arômes. Pour réaliser cette expérience, ils ont du « savourer » et commenter plusieurs binômes – vins conventionnels vs vins bio équivalents — et des binômes — eau pure vs verres d’eau auxquels ont été ajoutés les pesticides en quantité telle qu’on peut les trouver dans un verre de vin-.

 

 

Rappel non vain : comment le raisin devient vin ?

Les auteurs commencent le livre par l’histoire du vin en raccourci.

Ils expliquent les mystères de la fermentation, l’importance du contexte (humidité et chaleur). Comment cet évènement naturel est-il maîtrisé par l’homme depuis des millénaires ? On y a recours dans de nombreuses élaborations de produits dont nous aurions bien du mal à nous passer : vin, bière, hydromel, pain, café, cacao. Ses arômes se développent naturellement. Comment les pesticides les détruisent-ils et pourquoi malgré tout les utilise-t-on?

Une expérience unique

L’objectif de cette « dégustation » était de réaliser ce qui n’avait jamais été fait : définir les odeurs et goûts des pesticides. Pourquoi ? Même si on sait que c’est mauvais et qu’on en mange tous les jours, on n’a aucune idée de leurs saveurs ! Mais ce n’est pas si simple. Quelle représentation a-t-on d’une saveur ? A quel souvenir est-elle associée ?

Un contexte particulier

Cette expérience s’est déroulée plus dans un contexte de dégustation œnologique que dans celui de tests de laboratoire. Les sensations goût et odorat, sont liées au bien-être et à la convivialité et nous avons contrairement aux souris blanches un vocabulaire très élaboré pour les exprimer.

L’expérience montre que les personnes qui travaillent dans le vin développent plus de terminaisons nerveuses que les néophytes. Reconnaître, différencier les saveurs liées au vin demande un entraînement de haut niveau. Dans le monde de la gastronomie, les professionnels du goût auraient une palette plus large de saveurs, mais moins pointue pour détecter les arômes fins du vin.

 

Les règles du « jeu ».

Les vins comparés sont de mêmes millésimes, ils viennent des mêmes terroirs, sont faits des mêmes cépages.

 

Ce qui n’a pas été pris en compte, bien qu’ayant une influence sur le goût final du vin : l’âge des vignes, la profondeur des racines, les techniques d’entretien. Mais aussi les différentes techniques de vinifications, celles que chaque vigneron utilise pour préparer son nectar et qui influent sur son goût. Les fûts sont souvent faits d’un bois de chêne également traité aux pesticides.

De nombreux produits peuvent aussi être ajoutés lors de la fabrication des vins, comme le souffre par exemple. Dans le cas des vins bio on pense aux préparations végétales, animales, au saccharose, aux levures. Quant aux vins conventionnels : enzymes, pesticides eux-mêmes composés de chimie de synthèse, de pétrole et de métaux lourds peuvent rentrer dans la recette.

Qu’est-ce qu’un pesticide ?

L’auteur commence ce chapitre par une petite description des structures chimiques des arômes.

G.E. Séralini constate : qu’il existe de nombreuses études qui montrent que tous les vins conventionnels en contiennent; qu’aucune technique à ce jour n’existe pour détecter des fongicides-pesticides qui leur sont en quantité jusqu’à 9000 fois supérieures.

Gerbilles, insectes, perdrix et d’autres animaux repèrent les pesticides dans la nature et les fuient. Une faune de plus en plus large ne fréquente plus les champs entretenus avec de la chimie.

Les pesticides sont irritants. Et contrairement à certaines croyances, l’alcool n’élimine pas les pesticides, ni dans le vin ni dans les eaux de vie. Ils ne se dissolvent pas non plus avec le temps. Ils peuvent s’oxyder mais sont toujours bien présents dans le vin, selon une observation faite par les auteurs, sur des vins de 15 et 33 ans.

Cela suffixe !

Le suffixe –cide du latin –cida, de caedo, tuer.

Les fongicides, pesticides, insecticides… ont pour objectif de supprimer, de tuer ce que la racine du mot désigne. Les herbicides tuent les herbes. Les insecticides eux tuent les insectes.

L’auteur conclut donc que ces produits sont des poisons. Les industriels calculent des doses journalières maximum admissibles. Quel est l’intérêt de calculer une dose journalière ? La nuit lave t-elle toutes les impuretés de la veille ? Les produits que nous ingérons partent partiellement dans les urines, s’accumulent dans les cheveux, les testicules ou le cerveau. Des analyses menées par des acteurs différents ont montré qu’on pouvait trouver jusqu’à presque 14 000 fois plus de résidus de pesticides que ce qui est autorisé par les autorités sanitaires dans l’eau potable. A votre santé !

Les auteurs reviennent sur le Roundup. Gilles-Eric Seralini constate que le principe actif de ce produit n’est pas seulement le glyphosate, mais aussi les autres produits qui entrent dans sa composition à 50% et dont la recette reste opaque. Les analyses du biochimiste montrent que ces pesticides contiennent de nombreux métaux-lourds comme le cobalt, le plomb et l’arsenic…A votre santé !

Goûter un pesticide est-ce une « bonne » idée ?

Il s’agissait de mesurer si les pesticides ont un goût et si oui lequel. Nos deux comparses vont commencer comme précisé en intro par créer des couples vin bio et vin non-bio aux caractéristiques similaires. Il existe déjà des analyses pour savoir s’il y a des résidus de pesticides dans les vins et de nombreuses dégustations de vins bio et de vins conventionnels sont faites régulièrement par des professionnels du vin. Mais aucun exercice n’avait jamais mixé les deux expériences.

Déroulement. Méthodologie de l’expérience.

Etape 1

Plusieurs dizaines de professionnels du vin et de la gastronomie dégustent à l’aveugle, une dizaine de couples de vins (bio & conventionnels) aux caractéristiques similaires. Résultats : à 77 % les pro préfèrent les vins bio !

Etape 2

Deux laboratoires qualifient et quantifient les pesticides retrouvés dans 32 vins, toujours selon le principe des couples vins bio & conventionnels. Ils reproduisent ces cocktails de pesticides et les dissolvent dans de l’eau. Lors des analyses, les laborantins ont retrouvé zéro résidu dans les vins bio mais 250 pesticides dans les vins conventionnels. Et 2920 fois plus que ce qui est toléré dans l’eau potable.

(cela vaut aussi pour des Pomerols à 400 € la bouteille.)

Les agences réglementaires acceptent des doses plus ou moins importantes de produits toxiques dans les aliments. Elles partent du principe qu’il y a des produits que l’on consomme plus (l’eau par exemple) que d’autres (le vin p. ex.). Elles ne tiennent pas compte de l’âge, du poids, des conditions de santé des individus.

Etape 3

Passer la barrière psychologique et accepter de boire un verre avec une étiquette « toxique » et un dessin de tête de mort dessus ! Chaque dégustateur a dû noter ses impressions. Pas facile car personne n’avait jamais goûté et décrit le goût des pesticides. Résultat: 58% des dégustateurs reconnaissent le verre qui en contient.

Les mots qui ressortent pour décrire le nez sont : alcool volatile, médicament, bois putréfié, essence…

Les sensations en bouche : asséchant, amer, acre, acide, picotant, brûlant, coupe la longueur en bouche.

Les arômes : bonbon chimique, fraise tagada, bonbon anglais, pêche, vanille chlorée, caramel chimique, aspirine, javel, plastique, lessive…

Etape 4

Dernière étape : les dégustateurs reprennent les verres de vins initiaux, et riches de la dernière expérience, essaient à nouveau de définir quel verre contient les pesticides et quels arômes ils donnent au vin.

Le vin, le raisin bons pour la santé à condition d’être bien fait.

Les pesticides inhibent les arômes naturels du vin et les effets bénéfiques méconnus que ces arômes provoquent sur notre santé en stimulant le système détoxifiant du corps. L’auteur souligne l’absurdité d’un produit détoxifiant toxique (par les résidus de pesticides contenus).

Le livre finit par un sympathique « Petit guide pour reconnaître les goûts des pesticides »

Que je vous invite à lire, comme l’ensemble du livre bien sûr. Liste très intéressante des matières actives des pesticides avec les quantités retrouvées dans les vins, et les risques sur la santé et la nature. Produits toujours en vente ! Au secours…

En conclusion, les pesticides donnent un goût et altèrent le goût des arômes. Certains vins sont à répétition dangereux pour la santé. Un sujet sérieux, traité sous forme de narration ou de dialogue entre un scientifique et un artiste de la cuisine — et entrecoupé de portraits vivants— ce qui rend la lecture des formules chimiques plus digeste ! Merci à toutes ces personnes de nous régaler de la pertinence de leurs analyses.

 

 

Aller plus loin.

Génétiquement incorrect, Gilles-Eric Séralini, Editions Champs Sciences, 2012

Plaisirs cuisinés ou poisons cachés, Gilles-Eric Séralini et Jérôme Douzelet, 2017

L’esprit du vin, le réveil des terroirs. Documentaire. O. Minvielle, Y. Minvielle, 2011

Résistance naturelle. Documentaire. Jonathan Nossiter, 2014

 

 

*Pesticide n.m. Se dit d’un produit chimique destiné à lutter contre les parasites animaux et végétaux nuisibles aux cultures et aux produits récoltés. (Larousse)

 Fongicide n.m. Se dit d’un produit chimique destiné à lutter contre les champignons (mildiou, oïdium, moisissures) nuisibles aux cultures.

 

**spécialisé sur les effets des pesticides sur la santé.

Si vous êtes un amateur de bonne santé

Un vin bon pour ma pomme et pour ma planète.

Nature: ouais, ouais! Pesticides: no way!

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Pourquoi le vin me donne t-il mal à la tête?

Combien de calories dans mon verre de vin.

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